Hubert-Félix Thiéfaine Hubert-Félix Thiéfaine - Autoroutes jeudi d'automne

Elle m'envoie des cartes postales de son asile,M'annonçant la nouvelle de son dernier combat.Elle me dit que la nuit l'a rendue trop fragileEt qu'elle veut plus ramer pour d'autres GuernicaEt moi je lis ses lettres le soir dans la tempête,En buvant des cafés dans les stations-serviceEt je calcule en moi le poids de sa défaiteEt je mesure le temps qui nous apoplexieEt je me dis "stop !"Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starterEt je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs...Et je croise des vieillards qui font la sentinelleEt me demandent si j'ai pas des cachous pour la nuit.Je balance mes buvards et tire sur la ficellePour appeler le dément qui inventa l'ennuiEt je promène son masque au fond de mes sacochesAvec le négatif de nos photos futures.Je mendie l'oxygène aux sorties des cinochesEt je vends des compresseurs à mes ladies-bromureEt je me dis "stop !"Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starterEt je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs...Il est bientôt minuit mais je fais beaucoup plus jeune.Je piaffe et m'impatiente au fond des starting-blocks.Je m'arrête pour mater mes corbeaux qui déjeunentEt mes fleurs qui se tordent sous les électrochocsEt j'imagine le rire de toutes nos cellules mortesQuand on se tape la bascule en gommant nos années.J'ai gardé mon turbo pour défoncer les portesMais parfois il me reste que les violons pour pleurerEt je me dis "stop !"Mais je remonte mon col, j'appuie sur le starterEt je vais voir ailleurs, encore plus loin ailleurs...